La profondeur de champ

Edito du 5 Octobre 1998




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Au cinéma, pour être acceptable par le spectateur et paraître naturels, les effets sont calqués sur la façon qu’a l’humain de regarder. Un travelling mime une avancée de l’oeil, un panoramique une rotation de la tête, un zoom une focalisation sur un détail, etc…

Il y en a un, pourtant, qui marche très bien et qui ne correspond à rien du tout de notre manière de voir, c’est la profondeur de champ.

En jouant sur la profondeur de champ, un réalisateur peut nous faire regarder où il veut dans l’image, selon le plan ou il fera le point, si il y a quelque part dans ce plan un objet qui devient net.

Nous ne regardons pas du tout de cette façon. Les yeux sont des machines optiques et, de toute évidence, ils sont soumis à ce phénomène, mais notre analyse de l‘image nie totalement ce fait.

Tout ce que nous regardons est instantanément net. Essayez vous verrez.

Si ca n’a pas marché, c’est que vous êtes un homme politique et votre cas m’intéresse…

Bien que des historiens beaucoup plus documentés que moi se soient penchés sur le problème endémique de la représentativité en démocratie, c’est semble-t-il dans l’autre sens qu’il faudrait prendre le problème, depuis le haut.

Les politiques ne "voient" plus le citoyen, ni même cette couche de petites activités, ce tissus de base que sont les artisans, professions libérales, petites PME.

Dans leur paysage, nous sommes quelques chose de flou qui s’agite derrière les gros opérateurs, les acteurs sociaux, les nécessités économiques…ils ne voient que ce qui est assez gros pour se détacher de ce fond en mouvement : le chômage et pas les chômeurs, les gros contrats à l’exportation pas la quantité de petits contrats, la production d’énergie, pas la facture individuelle d’énergie, etc…

Et leurs valeurs sont associées à cette myopie gênante. L’aide à l’emploi par exemple est toujours faite de mesure qui ne prennent de sens que dans les entreprises énormes.

Je me souviens de la baisse d’une taxe qui devait être incitative à l’embauche et qui pour ma société représentait une vingtaine de Francs par trimestre…au point que j’ai cru que c’était une erreur de la comptable en remplissant le chèque !

Ca devait représenter énormément d’argent à l’échelle du pays, mais franchement avec 20 Francs, je ne peux pas faire grand chose contre le chômage.

C’est dommage d’ailleurs parce que les petites entreprises comme la mienne sont celle qui ont la plus forte possibilité de croissance. Dans l’année on peut passer de 6 à 12 personnes. N’attendez pas l’équivalent de Renault ou du Crédit Lyonnais.

Ils ne doubleront pas dans l’année.

Et puis ces petites entités sont si nombreuses que si elle employaient, chacunes, une personne de plus demain, elle résorberait le chômage dans la journée !

C’est quand même dommage que jamais rien ne soit fait pour aider là où existe la plus forte dynamique de croissance et d’absorption du chômage.

Si vous regardez ce qui se passe en bourse en ce moment vous verrez que de la même façon ces gros mastodontes peuvent en quelques mois perdre la moitié de leur valeur, on parle même de 75 % pour la Société Générale…et Alcatel, c’était presque dans le journée que ça s’est effondré.

En fait, c’est un peu pour ça que je suis de gauche aussi.

Nous seulement, c’est en bas, proche de l’individu, que se crée la richesse, mais en plus c’est le lieu de la plus forte dynamique d’expansion et de la moindre fragilité.

Mais personne ne semble le voir.

Quand y aura-t-il un ministre de l’économie avec correction de mise au point ?




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Philippe TURCAT

© Octobre 1998
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