Edito du 31 Mars 1998

Aujourd’hui, je ne peux pas parler d’autre chose que de ce qui se passe en Serbie.

C’est pas que je n’ai pas d’idées de sujets plus légers, mais il y a trop de choses incompréhensibles dans ce qui est relayé par les media.

La première chose incompréhensible, c’est l’argumentaire serbe : "Le Kossovo nous appartient depuis toujours et nous mourrons jusqu’au denier pour le garder !"

Je n’ai entendu aucun serbe dire autre chose. Est ce les media qui trient et qui nous donnent une expression partielle ?

Face à une action qui veut mettre fin à un régime et un mode de comportement qui a fabriqué des morts par centaine de millier depuis dix ans, en utilisant tous les moyens chers aux totalitarismes de tous poils, de la police politique, des commandos masqués, qui revendique "l’épuration ethnique", dont on a eu des croisements de témoignages de tortures, de camps de concentration, de viols de femmes et d’hommes, de meurtres d’enfants, et ça en Europe, la revendication normalisée des serbes, c’est…une revendication de propriété !

J’hallucine ! Où sont les démocrates serbes ? Ils ont dû faire partie de la première charrette de Miloseviç.

La propriété du Kossovo, n’est pas à l’ordre du jour dans cette guerre, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. C’est de l’Europe ! C’est d’une intimation faite aux serbes de rentrer intellectuellement dans le projet européen.

Et c’est peut-être pour ça qu’on essaye en faire une action uniquement Américaine en minimisant constamment que c’est une action de l’OTAN.

Mais bizarrement, moi ça me rassure que les américains se fassent les champions de cette lutte, parce que jusqu’ici j’ai pensé très sérieusement qu’entretenir ce bubon Yougoslave en Europe, c’était un projet américain, c’était un pur produit de la CIA pour retarder l’existence de l’Euro.

Le plus grand ennemi économique de l’Amérique, c’est l’Europe !

Et de l’autre côté les russes ne semblent plus avoir les moyens d’une politique de ce style et l’aide d’une Europe forte est devenue un besoin vital pour eux.

Alors merci Clinton ! Ca me rassure, on a l’air d’être d’accord sur un projet de fonctionnement mondial cohérent, et je ne peux pas dire autant de la guerre du Golfe qui paraît spécieuse sous de nombreux aspects, mais tous le monde oublie que Bush était républicain et ne défendait sans doute pas les mêmes intérêts.

Une autre chose que je ne comprend pas très bien et que je trouve nocive, c’est la volonté journalistique d’écrire l’histoire en temps réel, de se présenter comme les stratèges du futur au lieu de rendre compte des faits du présent.

Tous les journalistes se sont fait les champions, non pas de dire ce qui se passe, mais de présumer de ce qui va certainement se passer : les frappes aériennes, ça ne va pas empêcher la répression au Kossovo, qui plus est ça va renforcer l’adhésion du peuple serbe à Miloseviç, voici ce que devrait faire l’Europe, l’OTAN, Clinton et j’y vais de mon conseil et de ma vision du monde.

Mais c’est quoi la Serbie ? Je vois un pays du tiers-monde, pauvre, les femmes sont habillées de chiffons, les maisons sont en chantier, les voitures sont vieilles, les magasins ressemblent au rêve soviétique des années 50 et la seule chose moderne qu’on y trouve, c’est l’armement.

Et tout ce qu’on peut regretter, c’est que cette investissement meurtrier n’est pas été fait plutôt dans le domaine de l’éducation, de l’évolution sociale et économique.

Alors si il y a un reproche à faire aux forces d’intervention, c’est une phrase de Louis XIV qui me revient à l’esprit : "Quand on punit trop peu souvent, on punit trop !"

Ce qu’aurait dû faire l’Europe, c’est intervenir à la première exaction en Croatie ou en Bosnie il y a 10 ans, ou même avant ! Quand les intentions étaient déjà claires. Et aujourd’hui, les démocrates Serbes et Kossovars n’aurait eu besoin de personnes pour régler les petits différents d’optique qu’il y a toujours entre les peuples riches.

ET n’oubliez pas, avant de vous endormir que la France est toujours un des tout premier marchand d’armes du monde.

Bonne nuit, mes p’tits loups !

Philippe TURCAT

© Mars 1999
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