Serbie/Europe

Edito du 17 Avril 1998



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Encore une fois, je vais dire des choses que je n’entends nulle part et dont j’ai besoin. Je me sens très très seul !

Il s’agit de la Serbie. Quand l’actualité vous bouffe, il n’y a pas de raison de résister.

Mais moi, ce que j’ai vu, c’est l’intelligence de la réponse des peuples. Vous !

Modérés au départ, vous n’aimez pas les conflits armés. Je souscris complètement à ça. Puis, les sondages sont progressivement devenus favorables jusqu’à cette étonnante solidarité Européenne qui a pris les ONG de court, quand je dis européenne, c’est pour souligner, qu’à la fois les peuples que nous sommes sont venus prudemment à une compréhension de ce qui se passe, sans jamais être totalement sûr que ce qu’on nous raconte est tout à fait vrai…mais en même temps que vous avez fait exister le lieu d’une identité européenne pour la première fois à travers cette solidarité-là.

Des gens de Lisbonne, de Milan, de Hambourg, d’Édimbourg et de Marseille ont acheté des pâtes et du sucre pour la même raison, et avec une intention politique très remarquable et une cohérence de vue.

C‘est une position qui décrit parfaitement UNE idée émergente de ce que doit être l’Europe et cette idée est la vôtre.

A moi, elle me plaît bien et j’y souscris volontiers, elle aidera peut-être à fermer la page de ce vingtième siècle meurtrier et stupide.

Les mauvais politiciens n’y verront sans doute que la sensiblerie qu’on prête aux imbéciles qui n’ont pas les données pour juger des vrais problèmes, et les mauvais journalistes se complairont dans l’analyse prospective et présomptueuse du renforcement politique d’un Miloseviç ou autres spéculations sur fond de répétition de l’histoire, alors que vôtre geste, c’est justement la victoire sur cette pseudo nécessité de l’histoire à se répéter et une volonté marquée de ne plus accepter une certaine façon d’exercer le pouvoir.

Et je crois que le peuple serbe serait d’accord avec ça si on lui avait construit des écoles au lieu de lui acheter des armes depuis 15 ans.

Si un Kosovo indépendant existe un jour, j’espère que les Kosovars auront l’intelligence et l’humour d’y ériger une grande statue de Miloseviç posé sur une carte d’Europe parce que personne mieux que lui n’a su réunir les conditions de son existence et personne mieux que vous, d’en avoir pris acte.

Et puis l’autre regard qu’on peut avoir, c’est face à la technologie !

Alors qu’on nous refait le coup de la guerre chirurgicale dont le scalpel est décidément un peu large, et ça bavouille sur les civils, il y a une congrégation qui n’est vraiment pas à l’honneur, dans cette guerre, c’est les journalistes !

Faut-il leur rappeler qu’il existe des caméras d’excellente qualité, grosse comme 2 boites d’allumettes, qu’on peut cacher dans une veste, passer au Kosovo, prêter à des Kosovars, dont on peut envoyer les images, même mauvaises par Internet depuis partout où il y a le téléphone, qu’il existe aussi des appareils photos numériques en vente pour pas très cher à la FNAC, et que l’apparent black-out dans lequel paraît le Kosovo, est aujourd’hui technologiquement impossible.

Évidemment vous m’direz, tu l’as belle, t’es à Paris, t’as pas le cul dans la boue, mais moi c’est pour ça que je ne voulais pas être journaliste.

Alors, ce silence n’est vraiment pas à l’honneur de la congrégation et des agences de presse. Montrer sa gueule devant un camp de tentes en plastique, c’est bon pour la carrière, mais ce n’est pas du journalisme d’investigation, même si je ne pense pas que ce soit simple et sans danger, ça ressemble un peu trop à du Michael Kael.

Pour ceux qui croyaient encore un tout petit peu à "la grand messe du vingt heures" maintenant il faudra se résoudre à l’idée que les chaînes servent uniquement de vitrine à VisNews.

Enfin, tant qu’on n'a pas Laggaffe à vingt heures sur la 2, pour récupérer l’audience du BigDil, on peut pas vraiment se plaindre.

A plus, et encore merci pour les mini-pizzas…




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Philippe TURCAT

© Mars 1999
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