Le progrès

Edito du 13 Octobre 1998




Précédent Comment je l'ouvre ? INDEX des éditos Pourquoi je l'ouvre ? Suivant



Vous vous souvenez du rêve américain ? Le couple, 2 enfants blonds, la voiture américaine rose, le réfrigérateur au formes arrondies, les dents blanches et la planche de surf négligemment posée contre le mur de la villa ensoleillée ?

Il y avait l’équivalent français. Vous mettez une 4 chevaux à la place de la belle américaine et un pavillon en meulière à la place de la villa californienne et le tour est joué.

L’avenir, ce sera ça pour tout le monde ! Grâce au progrès ! Du latin progressus : marche en avant.

Et tout le monde a marché, justement ! Ces rêves simplistes à l’eau de rose que personne n’a jamais vu se réaliser, et on pourrait presque dire "tant mieux", ont fait passer les gens qui n’y voyaient pas beaucoup de profondeur pour des pessimistes stupides qui de toute façon étaient promis à être laissés sur le carreau, car "on ne peut pas aller contre le progrès ! "

Et comme la marche en avant n’allait nulle part, on a fini par y arriver.

Ce qu’on vit aujourd’hui est manifestement à l’inverse complet de ce qui était promis. La promesse vide s’est réalisée, vous y êtes !

Pourtant cette absurdité apparente est portée par notre société elle même.

Le progrès sous-tend l’évolution des savoirs et des technologies pour offrir des modes de résolution nouveaux ou plus efficaces aux problèmes que rencontrent les humains.

Mais ces problèmes ne sont pas infinis, il sont quantifiables, et même en partant de la première nécessité, on arrive rapidement à du confort, et même à du superflu.

Et comme l’énorme appareil industriel nécessaire à la circulation de l’argent ne peut se satisfaire de la simple augmentation de population ou des impondérables pour s’alimenter, il n’avait pas d’autre choix que de nous faire sortir du progrès.

Cet état de fait à 2 conséquences. Il nécessite de :

- Ne pas fabriquer des produits ou des services qui résolvent durablement les problèmes auxquels ils s’attaquent. Sous le prétexte du temps.

- Revendre en permanence les mêmes choses aux mêmes gens en les présentant sous un aspect novateur. Sous le prétexte de la mode, par exemple.

Sinon, au fur et à mesure que l’appareil industriel résout des besoins, il devient inutile. Pour les paranos, qui aiment bien ça, on peut spéculer sur ce que sera notre avenir.

Par exemple on peut être quasiment sûr que nous ne sortirons jamais de l’aire automobile, avec des véhicules qui dureront environ 4/5 ans (à cause de l’usure, de la pollution, etc.).

Pourquoi 4/5 ans ? parce qu’en dessous on commencerait vraiment à avoir le sentiment de se faire arnaquer, et que c’est la durée du crédit, donc juste le moment pour en reprendre un autre, de façon à ce que la dépense soit entretenue et constante.

Cette année c’est le cinquantenaire de la Deux Chevaux, il doit y en avoir qui roulent encore et pourtant depuis la fin de la guerre, la connaissance des métaux, la précision des usinages, l’évolution des matériaux et des techniques a fait un bon en avant invraisemblable.

On saurait aujourd’hui construire des véhicules qui durent 100 ans, sauf accident, en concentrant l’usure sur un petit nombre de pièces échangeables.

Comprenez qu’on ne verra jamais ces véhicules là.

Pour les pavillons de banlieue, c’est la même structure adaptée, 15 ans. Forcément les crédits sont plus longs que pour les voitures ! Mais ne croyez pas que vous pourrez un jour mettre, une fois pour toutes, un toit sur la tête de votre famille.

Et peut être que cet argent constamment remis au pot de la survie de l’économie de consommation vous pourriez en faire autre chose…

Mais décider ce qu’on fait de l’argent, justement, ça n’est pas donné au consommateur. Heureusement pour les circuits financiers, diront certains, tant pis pour ta gueule, dira l’autre !

Sinon ca servirait à quoi d’avoir le pouvoir ?

A bientôt, les paranos !

Je vais ouvrir une rubrique pour vous !




Précédent Comment je l'ouvre ? INDEX des éditos Pourquoi je l'ouvre ? Suivant

Philippe TURCAT

© Octobre 1998
3181 signes