A Bill Gates

Edito du 21 Octobre 1998




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Aujourd’hui je m’adresse à quelqu’un de précis, en direct, mais les autres peuvent écouter si ils veulent.

Mon cher Bill,

Cette fois ce n’est pas Clinton, c’est Gates, Bill Gates, fondateur de Microsoft et grand gourou de l’informatique mondiale par voie de fortune, puisqu’on a verra que la seule chose qui fasse taire les critiques et les journalistes, de nos jours, c’est la promesse d’un emploi.

J’ai une demande à te formuler en direct.

Ne crois pas que je veuille me servir du vent médiatique qui souffle sur les procès qui te cernent pour ajouter ma voix à celles qui croient pouvoir se tailler une petite part de gâteau en profitant d’une éventuelle faiblesse de tes avocats.

Ca n’est pas du tout mon objet.

Mon idée, c’est que en tant qu’humain, ta pensée est forcément plus intéressante et ouverte que celle du monstre Microsoft que tu as engendré, dont la mission première est de se perpétuer quoiqu’il arrive, et même contre ou malgré toi si ça se trouvait.

Ma demande est la suivante. Tu n’as pas pu suivre les évolutions du monde informatique sans apercevoir les tentatives très intéressantes de systèmes d’exploitation "nouvel esprit" dirais-je, c’est à dire du type micro-kernels, rapides et conviviaux au point de les croire intelligents.

Il y a eu la tentative Next, il y a plus de 10 ans, c‘est quand même pas hier, j’ai croisé récemment un prototype BeOS qui était assez étonnant même sur des processeurs à 100 Mhz. Je sais qu’il y en a eu d’autres, moins connues.

Alors, sans aborder le côté monopolistique, en constatant simplement que l’OS le plus répandu sur cette planète émane de tes bureaux, et qu’en le regardant comme ça, Windows 98, c’est le décor de Brazil, une impression de modernité obligatoire faite avec de vieilles ficelles scotchées ensembles qui permettent tant bien que mal à travers de gros bugs meurtriers d’obtenir du hard un petit peu de ce qu’il pourrait faire avec ses 400 Mhz et ses 64 Méga de Ram (on aurait jamais pensé avoir tout ça, il y a 5 ans).

Ca me paraîtrait une bonne chose, commercialement, mais aussi vis à vis de tes détracteurs qui constatent à juste titre que Microsoft a fait prendre 10 ans de retard à l’informatique, que tu prennes une quarantaine de développeurs parmi les petits génies qui ne doivent pas manquer dans ton écurie et que tu leur fasse écrire, non pas Windows 2000 avec des ficelles et des sandows, mais un vrai système d’exploitation moderne et simplement évolutif par rapport aux révolutions successives du hardware.

Si on avait le vrai usage des processeurs rapides d’aujourd’hui et une compatibilité retrouvée des logiciels, des fichiers, des polices de caractères,des gestions d’écran, des polygones, des protocoles réseaux, de tous les objets de base des OS, peut être que nombre de tes contradicteurs perdraient un petit peu de leur verve face à une normalisation faite par le haut plutôt que par le bas, ou le très bas, comme elle l’est aujourd’hui avec Windows.

Et si tu ne le fais pas, alors il faudra penser que le Golem Microsoft t’as échappé, que tu as perdu la possibilité de lui insuffler son esprit et qu’il est urgent de redoubler nos efforts, pour au moins le rendre inoffensif, si ce n’est s’en débarrasser purement et simplement.

Je me souviens d’avoir vu une démo Next en 86 ou 87 au SIGGRAPH, et je me disais, dans un an ou deux on va bosser avec des OS comme ça, c’est un rêve !

Et je ne rêve toujours pas...mais rien n’empêcherait que tu t’inscrives dans cette évolution quasiment inévitable.

La balle est dans ton camp.




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Philippe TURCAT

© Octobre 1998
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