Par EmSiKa
Dimanche 22 décembre 1996
Y a beaucoup de cons. Beaucoup, vraiment beaucoup. Au
nombre desquels je me compte parfois, surtout depuis que j'ai échangé
mon Erard contre une bouteille de vin turc, mon vieux Effiou. Surtout quand
ça frise les moins n degrés, qu'on se tasse sur le canapé
et qu'on visionne son impuissance sur fond de Saumur encore vert. Mais
soudain, un, des cadeau(x). Pas du plus grand des pédophiles censé
crapahuter dans les conduits de cheminées d'ici quelques jours,
non, on n'y a plus droit passé la limite (fini les Enid Blyton palpitants
sous couverture laineuse), des visages, oui, des visages qui rappellent
la confiture, en rafale : Sollers, Deleuze, Lubat. Merci Arte. Merci, même
en deux dimensions, ça fait rien. Un, une citation de Juliette (le
passé m'encourage; le présent m'électrise; l'avenir
chais plus quoi), mais quel geste élégant, nom de D.. Deux,
les phanères frisottés de Deleuze en volutes sur le style
de Borg et la prolétarisation du tennis. Trois, ah, trois, le tambour
saccadé de Lubat sur le couvercle du piano. La main, regarde la
main de ces trois-là... Le retournement sadien (et l'usage du point-virgule);
le recul sur fond de court et la balle très au-dessus du filet;
l'attaque rageuse du poignet : l'écriture se lit sur la main, pas
là où ça penserait, mais là où l'instrument
est agissant. L'instrument de la pensée, c'est le geste. Je meurs,
même en écoutant un concerto mou , dès que je me représente
la main qui le joue. Je me rends soudainement compte que les cons n'ont
pas de mains, surtout à la télé, ça se voit
encore plus, c'en est même obscène le point de non-retour
dans la creusure auquel ils sont arrivés, et en particulier puisque
c'est d'actualité, à coups de Barbie et de Batman, de barbe
blanche et de bûche émétique, de bonté et de
boudin blanc, de biffetons couleur ratatouille (Eiffel à la rouille
s'en serait retourné dans sa tombe) et de boniments blets. Alea
americana jacta est. Noël me fout de sale poil, j'y peux rien, c'est
chaque année la même chose; ils attendent tous la neige pour
les laver de leur connerie, peut-être, et moi je pleure l'être,
comme une forcenée, je me désintègre, je m'irrésous
au peut-, je me fâche avec le trait d'union, je m'absente. Ciao,
à l'année prochaine.
Biblio de saison : Juliette ou les Prospérités du vice, D.A.F.
de Sade, 1797.

