Samedi 21 septembre 1996
L'homme est là, quelque part dans la pluie qui
dégouline devant sa case. L'eau pleut, n'y a pas d'autre mot.
Elle a peur. Elle referme la porte et rassure l'enfant.
Se couche, se relève. L'eau du ciel fait du bruit. Rouvre la porte
(l'enfant dort). Un éclair aveuglant, un long éclair brillant,
flash au cadmium, à l'aluminium, à l'um, à l'homme,
flash d'homme, lui découvre la prairie, verte comme de la fausse,
moquette d'herbe crue. Eblouie, recule, a peur. A peur, y va; a peur, y
va. Une môme. Peut rien faire, c'est le déluge. Compte les
secondes après les éclairs, les convertit en kilomètres.
Une fois, même pas besoin de compter, c'est simultané.
Elle est assassinée. Elle meurt, foudroyée,
là devant la porte. L'eau monte, elle n'est pas morte.
Rentre, referme la porte, la rouvre, s'aperçoit
qu'une clé ne peut rien contre un orage, ressort sans bruit, se
sent con.
L'enfant qui dort, c'est qu'un enfant, peut rien pour
elle, et même un homme, personne peut rien. Etrange impasse pour
son intelligence. Se dévide des litanies obsédantes; des
humeurs d'action, prendre l'enfant enroulé, partir cheveux au vent
, romantisme guerrier, au combat titanesque contre les éléments,
en avant. Se démultiplie, se grandit, épreuves homériques,
bateau qui chavire, héroïsme, n'arrive plus à faire
des phrases, se réduit à ouvrir et fermer la porte, plus
de protection, compte le temps, déteste la durée, s'envisage
dans l'après, apaisée, sue froid, met un gilet ? Pas d'étage
dans la case, pas de possibilité de s'augmenter. Monter sur la table
quadripède, toucher les racines du ciel, s'octroyer la part divine
: elle voit l'homme debout, toujours, vêtu d'une grande cape qui
la dissimulerait à tout jamais au grondement intermittent qui lui
déverse de la détrempe à gogo.
Elle recommence à faire des phrases, peut pas
s'empêcher de choisir ses mots. Au magasin de la rétine impressionnée,
elle fait emplette de couleurs sauvages...