Vague à l'homme


Je me baignais à la source pure d'une idée,
quand soudain il y eut une coupure de courant.
Je brasse du concept, redistribue les cartes,
mais la topographie de ce non-lieu commun s'élargit , devient ouverture, où
j'aperçois l'image brouillée d'un homme. Jeune, souriant, sûr de lui, il m'interpelle :
- "Bonsoir, jolie madame ! j'ai dû m'égarer dans le lit de vos fantasmes.
Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive,
rassurez vous !.. Je possède une certaine expérience en la matière,
mes initiatives sont nombreuses et jubilatoires.
Si à l'usage, vous n'êtes pas satisfaite,
la maison "Dieu que pour elle" vous inoculera un nouvel Apollon,
ou tout autre forme divine que vous souhaiteriez."
-"Que vois-je, qu'entends-je !
Je n'ai rien demandé de la sorte, c'est gratuit au moins ?
Pincez moi, je rêve !?"
Son pinçon laissait une trace bleuâtre sur mon bras,
une légère douleur de bien-être,
de bien naître, de renaître. Toute emplie de reconnaissance,
une nouvelle perception de la réalité s'insuffle en moi, je m'exclame :
-"Serais-je remise à un nouveau monde par le biais de cet adorable Adonis !!!"
-"Vous venez de passer le cap de désespérance des sens de l'esprit
à l'espérance de l'esprit des sens si rapidement,
que vous me voyez dans l'obligation de faire de vous mon disciple,
mon égérie ;
il vous en coûtera beaucoup plus que le dérèglement prévu."
Sur ma peau, naissent des myriades de gouttes de sueurs,
réfléchissant les lumières éblouissantes de nos jouissances conjugu&
eacute;es, une infinité de combinatoires impossibles
soulèvent de leurs fulgurances aveugles l'osmose de nos sens hypertrophiés.
Mon retour à la réalité fut brutal,
cette rencontre dans les "hyperspasmes" du bonheur
de la fusion "déique" m'avait anéantie.
Mon corps avait changé : la lourdeur de mes seins, la plénitude de mes hanches,
la rondeur de mes fesses, la fragilité parfaite de mon visage,
la finesse de mes attaches, le grain de ma peau diaphane avaient disparu.
Je suis modifiée !..
Le grand miroir ovale me renvoie l'image de mon visiteur ;
Apollon, aux formes males définies,
comme inachevées.
Pourtant mon esprit obéit aux même formulations,
aux même stimuli intellectuels.
Entre abattement et colère,
je téléphone à la maison "dieu que pour elle";
Ma voix est grave, ronde et bien timbrée.
A l'autre bout du fil,
une jeune femme à la voix suave et damnatoire de sirène,
m'explique qu'elle note mes doléances,
ce cas de figure s'est déjà présenté.
En attendant si je lui donne mon numéro de carte de crédit, elle peut me proposer
une Vénus sans la fourrure, une Diane pécheresse à souhait,
une vierge noire tirant sur le gris,une déesse animiste Africaine ...???
Devant l'ineluctabilité de ma nouvelle conformation physique,
mon esprit féminin baigne plutôt dans l'humeur noire ; je choisis l'Africaine.
Emergeant du Yucca du salon, une superbe négresse aux formes parfaites s'avance vers moi.
Entre mes jambes, sensation nouvelle, nait une érection colossale.
La belle s'empare de ma turgescence, lui fait subir mille et une mignardises gouteuses ...
Ma langue se fait tentation du serpent,
s'enivrant des délices fauves de ses saveurs ébènes.
Explorant les recoins secrets du corps de ma belle initiatrice,
une délectable impression de connivence sacrale
me dévoile les affres de la jouissance ultime des dieux ;
Des marteaux hystériques rythment la frénésie de nos coeurs emballés
dans le galop d'une transe apocalyptique,
nous explosons, nés du chaos,
dans l'atomique scission de nos orgasmes mortels.
J'émergeais du néant.
Languide et pantelante devant la profondeur des gouffres insondables du plaisir paroxystique d'un soi remodelé.
Enfin j'étais seule,
abandonnée à la souvenance précise de mon avènement.
Sur mon lit, les draps déchirés évoquaient les passions de mes combats passés.
Les traces indélébiles du passage des dieux imprimaient dans mon corps meurtri et soulagé,
la transcendance de ces voyages au bout de vos désirs les plus secrets.
J'étais, je suis, je serai la déesse androgyne des divagations :
Vague à l'homme ...