Un verre,
pas si solitaire ...
Mes éléphants
roses m'ont quitté depuis bien longtemps ;
je les aimais bien, ils me foutaient la paix.
A part quelques cavalcades certains matins, à la saison des amours,
ils étaient relativement paisibles, trop paisibles : je m'ennuyais.
Maintenant se croisent dans mon esprit :
des êtres bizarres, aux mouvements désordonnés.
D'univers cellulaires liquide émergent des personnages
ni-hommes, ni-bêtes,
échangeant en un ballet grotesque et incessant ;
leurs membres mutants.
Des protozoaires géants surgissent de nulle part,
les dévorent goulûment, puis s'en vont,
diluant leurs matières aqueuses
dans les méandres de mes synapses imbibées d'alcool.
C'est la foire dans ma tête, mais j'aime ça.
Le pis-aller qu'est devenue ma vie,
se nourrit enfin de quelque chose qui m'appartient :
mon propre delirium tremens.
J'aime boire seul, et comme je sirote perpétuellement :
la bouteille est ma seule compagne.
A une époque, j'avais quelques compagnons de beuverie ;
Mais, boire à hautes doses est un art,
nécessitant une grande maîtrise affective,
ingérable pour la plupart des gens.
Le monde concret m'ennuie profondément,
en fait, j'adore la monstruosité des êtres qui peuplent mon
cerveau ;
Ils sont d'une inhumanité qui me comble et me rassure.
En nous fréquentant assidûment, nous avons appris à
nous connaître,
à nous apprécier ;
Ils m'ont initié à la connaissance de leur langage qui,
doté d'une sémantique à évolution accélérée,
ne me lasse jamais.
Le dérèglement apparent de leurs comportements chaotiques
et les rapports qu'ils entretiennent avec les protozoaires géants
sont en fait très structurés.
L'individu, chez eux, n'existant pas ;
ils participent dans leurs mutations ultra-rapides,
leurs morts répétées et leur désindividualisation
commune,
à l'équilibre d'un système auto-dépendant,
et bien entendu ;
à la régénérescence spirituelle de l'entité
qui les héberge.
En l'occurrence :
moi.